
Le bien être à l’école, valeur émergeante et ne souffrant aucune contestation, s’appuie sur le bien être des élèves d’une part et la qualité de vie au travail des personnels d’autre part.
Cette valeur suppose évidemment le refus absolu de la violence, non seulement comme acte mais comme climat général et mode relationnel, car ce qui doit être valorisé est la bienveillance.
Il existe des nuances importantes entre bienveillance, bientraitance et bienfaisance.
Comme dit Philippe Merlier dans Philosophie et éthique en travail social (2014), la bienveillance est éthique, elle est le désir sincère du bien de l’autre. La bienfaisance, terme moral, consiste à contribuer au bien-être de l’autre, et la bientraitance est politique, c’est à dire une bonté sous contrôle.
Je revois le déroulement d’une journée difficile au lycée où j’exerce, une journée difficile est une journée qui a été électrique, rythmée par de l’agitation, des cris, des conflits, dans les espaces vie scolaire. Il me vient ce questionnement, comme un éclair : quelle place pour le conflit dans cette réflexion légitime sur le bien être comme réalisation de soi et développement personnel ?
Je pense aux Assistants d’Education qui passent toutes leurs journées à faire respecter les règles et qui sont en permanence dans la contention sociale sur les mêmes motifs répétés des milliers de fois : enlève ta casquette, mets ton masque, donne ton carnet, ouvre ton sac, non tu ne sors pas fumer, tu vas en cours, arrête de crier, de courir, de chahuter, etc, avec les contestations et les remises en questions permanentes des uns et des autres. Ils ont aussi à faire respecter un fonctionnement d’établissement qui peut être contredit par les membres adultes même de la communauté éducative : apprentis adultes, enseignants, parents, où ils ne peuvent plus être en position éducative « haute ».
De l’ouverture de la grille le matin à sa fermeture le soir, l’Assistant d’Education est en position de contrainte sociale, il se pose donc à chaque instant la question suivante : comment, dans un cadre non négociable, faire respecter la dignité de l’élève et la sienne en même temps ?
Le sens des règles ne va jamais de soi, il faut le temps de faire de la pédagogie, d’expliciter, difficile à faire en gérant un service de demi-pension pendant lequel le temps est millimétré, comme les récréations, le temps vie scolaire est un rythme exigeant.
Fort heureusement, l’Assistant d’Education peut être aussi en posture d’aide : aide à la rédaction de CV, aide à la recherche de stage, etc. Mais il y a d’autres personnels dont c’est le rôle. Malgré tout, il arrive à tisser une relation de confiance, extrêmement forte et précieuse avec les élèves.
Je crois pouvoir dire que ce travail est une bienveillance en acte, au delà de la bientraitance, porté par des valeurs éducatives qui ne sont pas des termes abstraits mais nourries par des confrontations, voire des conflits quotidiens.